Réjane Niogret:

Un petit texte me vient suite à mon séjour, invitée en tant qu'auteure et intervenante, à la treizième édition du salon du livre de jeunesse L'Ivre Jeunesse. Le voici, avec deux images : la première est la photo d'une des réalisations qui accueillait les visiteurs à l'entrée, la seconde est une illustration du livre dont il est question dans cette publication.

Je pense souvent que tout être humain est poète, artiste. Tout être humain a envie de faire du beau avec ses mains, sa voix, son esprit, ses jambes. Il y a toujours moyen, avec ce qui nous est donné, d'enchanter le réel et ce peut être une grande douleur de passer à côté. Ainsi, lorsque ça marche, lorsque quelque chose arrive, lorsque quelque chose se passe, il fait vraiment bon être au bon moment là où l'on est.
J'ai oublié le prénom de l'enfant mais son visage je le vois. C'est un enfant, je vais l'apprendre, qui a du mal avec les livres. Il vient d'entraîner sa maman dans les allées de la salle où se tient le salon qui, en ce samedi après-midi, bat son plein. Déterminé, il s'arrête devant la table où avec Christian Poslaniec, nous présentons nos deux livres de la collection Contes et poèmes du monde entier illustrés par Sandra Poirot Cherif édité par Le Temps des Cerises [éditeurs]. Il reconnait Le canari m'a dit, le premier livre de la collection. Ses yeux alors brillent. Il s'empare d'un exemplaire et cherche dans les pages. Sa maman nous parle. Son garçon est un élève de la classe que nous avons rencontrée la veille et qui a lu avec nous un extrait du livre. Il avait la réplique du cheval. Il la connait par cœur.
Nous feuilletons ensemble le livre et retrouvons la réplique :

" - Oui, tu dois le manger. L'homme est méchant. Depuis mon enfance je lui rends service. Il me fait traîner ses charrettes, tirer ses charrues. Il voyage sur mon dos, il me maltraite. Et maintenant que je suis vieux et fatigué il me laisse mourir de faim..."

Un peu plus tard, j'ai les larmes aux yeux. Il me faut vous dire que la maman, après avoir acheté le livre à son enfant, repart puis revient :

- Je suis très émue nous dit-elle. Il souffre de dyslexie et il n'aime pas les livres.

De très beaux moments ont eu lieu lors de mon séjour à L'Ivre Jeunesse : la découverte du livre "Je suis chocolat !" de Bénédicte Rivière, un livre dont je compte bien vous reparler plus tard,
l'écoute de haïkus très beaux donnés en partage par des élèves de collège, 
la rencontre avec des lecteurs gourmands comme moi de poésie

et ce moment avec cette mère et son enfant, emportant à la maison notre livre dont la vie, décidément, est de plus en plus belle