VIVE LE SALON DU LIVRE JEUNESSE

 

DE CHATILLON SAINT-JEAN !

 

 

 

 

 

De quoi parlent deux auteurs lorsqu’ils se rencontrent dans un salon du Livre Jeunesse ? Des expériences vécues auparavant, de la meilleure fête du Livre à la pire endurée et, forcément, du salon idéal auquel ils aimeraient participer. Leur demande-t-on si souvent leur avis ? Je les entends dire qu’ils affectionnent tout particulièrement un salon qui a l’élégance de ne pas inviter trop d’auteurs à la fois, dix, quinze, vingt au grand maximum, afin que chacun trouve sa place, bénéficie de rencontres avec les scolaires, bien préparés en amont, participe à d’éventuelles tables rondes, dispose d’une égale attention de la part des libraires. Bref, un salon dont ils seraient les PARTENAIRES d’une équipe d’enseignants engagés, de parents d’élèves impliqués, d’enfants motivés et de libraires concernés. Et surtout pas les éléments d’une liste de figurants alignés dans une salle omnisports, passant une longue fin de semaine à regarder les visiteurs déambuler dans des allées marchandes, se ruant sur les figures médiatisées, ignorant superbement les créateurs moins éclairés.

 

Or, IL EST UNE FOIS un salon pourvu des qualités mentionnées ci-dessus, qui font que tout auteur, écrivain ou illustrateur, célèbre ou pas encore, espère y être convié.

 

Ce n’est pas seulement moi qui le dis, mais tous ceux qui ont eu « la chance » de se rendre une ou plusieurs fois à CHÂTILLON SAINT-JEAN, un village de la Drôme septentrionale qui devient, l’espace d’une semaine complète de mars, un point capital de la littérature Jeunesse. Cette célébration festive du Livre coïncide, chaque année depuis près de vingt ans, avec l’irruption du printemps et le déploiement des feuilles nouvelles.

 

 

 

Vingt ans ! Il faut se rendre compte de l’exploit. C’est de l’école, celle du village, qu’est partie la flamme passionnelle de ce fabuleux incendie qui a conquis enfants et parents, puis les établissements scolaires alentours, écoles et collèges de Valence et Romans, emportant l’adhésion des institutions. À l’origine, une équipe pédagogique, amoureuse de son métier et de la lecture, en eut l’idée, mais le succès vint de sa force d’entraînement, de sa détermination, de son endurance et de sa capacité hors du commun à se régénérer pour que la recette perdure, coûte que coûte.

 

Pour le profit des enfants.

 

 

 

À Châtillon Saint-Jean, dès la rentrée de septembre, le salon est au programme. Sélection des auteurs, thème de l’année, choix des spectacles, recrutement de comédiens, orientation des lectures, prévision des décors et illustrations à réaliser, avant mars, avec la participation majeure des élèves, encouragés par les parents. Si bien que les enfants du pays attendent le salon avec autant d’impatience que Noël. Il ne leur viendrait pas à l’esprit qu’il puisse un jour s’arrêter car la plupart des filles et garçons le connaissent depuis qu’ils sont nés ; ils vivent dans l’assurance de son éternel retour.

 

Il ne s’arrêtera pas.

 

On ne peut pas s’en priver.

 

Cette année encore, 2024, j’ai eu la chance d’y participer. Nous avons vécu ensemble quelques jours de temps suspendu, protégés des tempêtes, à l’abri des enfants, sans oublier les orages, à préparer l’avenir en discutant des idées que transportent les livres, à réfléchir et à rire. Beaucoup. A bien manger aussi. C’est important. On ne parlera jamais assez du dévouement d’une légion de bénévoles qui tiennent l’événement à bout de bras, avec grand cœur et talents. L’équipe qui a bâti ce salon, et qui a su le préserver au cours de deux décennies de difficultés surmontées et de bonheurs renouvelés, TRANSMET à toutes et à tous sa douce rage de TRANSMETTRE savoirs et joie de vivre. J’en rapporte espoir et courage de me battre encore et toujours plus pour défendre la valeur maitresse que diffuse ce PETIT SALON IMMENSE : l’esprit de tolérance.

 

 

 

 

 

                                                                                                                                                                     Jean-Yves Loude

 

écrivain

 Réjane Niogret:

Un petit texte me vient suite à mon séjour, invitée en tant qu'auteure et intervenante, à la treizième édition du salon du livre de jeunesse L'Ivre Jeunesse. Le voici, avec deux images : la première est la photo d'une des réalisations qui accueillait les visiteurs à l'entrée, la seconde est une illustration du livre dont il est question dans cette publication.

Je pense souvent que tout être humain est poète, artiste. Tout être humain a envie de faire du beau avec ses mains, sa voix, son esprit, ses jambes. Il y a toujours moyen, avec ce qui nous est donné, d'enchanter le réel et ce peut être une grande douleur de passer à côté. Ainsi, lorsque ça marche, lorsque quelque chose arrive, lorsque quelque chose se passe, il fait vraiment bon être au bon moment là où l'on est.
J'ai oublié le prénom de l'enfant mais son visage je le vois. C'est un enfant, je vais l'apprendre, qui a du mal avec les livres. Il vient d'entraîner sa maman dans les allées de la salle où se tient le salon qui, en ce samedi après-midi, bat son plein. Déterminé, il s'arrête devant la table où avec Christian Poslaniec, nous présentons nos deux livres de la collection Contes et poèmes du monde entier illustrés par Sandra Poirot Cherif édité par Le Temps des Cerises [éditeurs]. Il reconnait Le canari m'a dit, le premier livre de la collection. Ses yeux alors brillent. Il s'empare d'un exemplaire et cherche dans les pages. Sa maman nous parle. Son garçon est un élève de la classe que nous avons rencontrée la veille et qui a lu avec nous un extrait du livre. Il avait la réplique du cheval. Il la connait par cœur.
Nous feuilletons ensemble le livre et retrouvons la réplique :

" - Oui, tu dois le manger. L'homme est méchant. Depuis mon enfance je lui rends service. Il me fait traîner ses charrettes, tirer ses charrues. Il voyage sur mon dos, il me maltraite. Et maintenant que je suis vieux et fatigué il me laisse mourir de faim..."

Un peu plus tard, j'ai les larmes aux yeux. Il me faut vous dire que la maman, après avoir acheté le livre à son enfant, repart puis revient :

- Je suis très émue nous dit-elle. Il souffre de dyslexie et il n'aime pas les livres.

De très beaux moments ont eu lieu lors de mon séjour à L'Ivre Jeunesse : la découverte du livre "Je suis chocolat !" de Bénédicte Rivière, un livre dont je compte bien vous reparler plus tard,
l'écoute de haïkus très beaux donnés en partage par des élèves de collège, 
la rencontre avec des lecteurs gourmands comme moi de poésie

et ce moment avec cette mère et son enfant, emportant à la maison notre livre dont la vie, décidément, est de plus en plus belle